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Les 2 grands courants de pensée en art-thérapie
Avril 2022
Deux pionnières de l'art-thérapie, Margaret Naumburg et Edith Kramer, possédaient une vision bien différente de la profession. Naumburg croyait en « la psychothérapie par l'art », tandis que Kramer prônait « l'art comme thérapie ».
Margaret Naumburg (1890-1983) a été formée en psychologie, mais son intérêt pour l'art l'a amenée à combiner ces deux disciplines. Selon sa vision, l'inconscient projette plus vite en images qu'en mots. L'utilisation de l'art en psychothérapie accélère donc le processus thérapeutique. Naumburg s'attarde au déroulement de l'ensemble de la démarche de production de l'œuvre; le processus est la thérapie. Le résultat de la création artistique n'a aucune vocation esthétique, mais possède une forte valeur symbolique. Elle est d'avis qu'il convient de privilégier la spontanéité de l'image, pour laquelle le client fournit sa propre interprétation. Puisque l'imagerie générée par le processus constitue une projection extérieure des débats internes du client, la signification que ce dernier donne à ses images lui est très personnelle. Pour Naumburg, les mots jouent un grand rôle pour donner vie à l'image, pour lui attribuer un sens, pour bien comprendre et clarifier le message de l'inconscient que le dessin spontané transmet. La verbalisation du client est donc thérapeutique en soi. L'auteur considère qu'en art-thérapie, les mots sont une extension de l'art; ils sont indissociables si l'intention est d'accentuer le processus thérapeutique du client. Selon ce courant de pensée utilisant l'art comme psychothérapie, le rôle de l'art-thérapeute se restreint à guider, à encourager, à stimuler, à supporter le processus de son client et non pas à analyser ses productions à sa place. Le professionnel s'avère alors un témoin du cheminement thérapeutique de son client, lequel en demeure le porteur. Cet état de fait induit un sentiment d'indépendance chez le client, un certain pouvoir sur sa vie ou, du moins, la responsabilité de l'efficacité thérapeutique. De façon individuelle, l'art-thérapeute accompagne son client dans son processus. La relation art-thérapeute/client est donc un facteur prépondérant quant au potentiel de changement.
Édith Kramer (1916-2014) possédait une formation d'artiste, et c'est dans le cadre de sa pratique dans ce domaine qu'elle a développé un intérêt pour la psychologie. Influencée par l'approche psychanalytique, elle ne prétend pas être psychothérapeute pour autant. Elle se considère comme une enseignante de l'art ayant des connaissances en cette matière. Kramer est d'avis que la thérapie émerge du produit final, que c'est l'objet d'art qui contient le potentiel de changement, et ce, sans que la verbalisation du client ne soit nécessaire. Le travail thérapeutique se déroule « dans la tête » du client sans qu'il ait à exhorter ses pensées ou ses émotions par des mots. Contrairement à Naumburg, pour qui la verbalisation est indissociable du processus, pour Kramer, c'est l'art lui-même qui s'avère thérapeutique. L'auteur préconise une approche studio selon laquelle l'atelier d'art est un endroit où laisser aller ses émotions à travers la création. L'effet thérapeutique réside dans le fait que l'art permet de sublimer ses pulsions primaires. À elle seule, l'œuvre contient et exprime émotionnellement un matériel chargé psychologiquement. Plus le résultat artistique est achevé et expressif, plus la sublimation est réussie, ce qui explique l'importance que Kramer accorde à la satisfaction esthétique du client. En fait, selon le courant de pensée utilisant « l'art comme thérapie », le rôle de l'art-thérapeute est d'aider le client à rendre la création qu'il souhaite, l'aider à être satisfait de sa production artistique. L'esthétisme de l'œuvre revêt donc une grande importance. Par le processus de sublimation qu'il engendre, l'art est une composante thérapeutique, mais il demeure complémentaire à une thérapie traditionnelle.
Aujourd'hui, la conception de l'art-thérapie ne cloisonne plus aussi catégoriquement ces deux grands courants de pensée. L'art-thérapie se présente plutôt sur un continuum allant de « l'art comme thérapie » à « la psychothérapie par l'art », sans toutefois verser dans la psychothérapie proprement dite. Le type d'accompagnement offert aux clients varie avec fluidité entre ces deux pôles, entre ces deux grandes tendances, selon les besoins de ceux-ci ou ce qui se vit durant le processus. C'est d'ailleurs ce que vous expérimentez au C.A.T.S. dans le cadre d'un suivi individuel. Pour découvrir ce que l'art-thérapie studio peut vous apporter, inscrivez-vous aux ateliers qui ont lieu le troisième samedi de chaque mois.
Sara Giard Pagé,
Art-Thérapeute
Références :
Heller, V. (s.d.) Historique de l'art-thérapie aux États-Unis. [Diaporama PowerPoint]. Notes du cours ATH 2000-Initiation à l'art-thérapie (session 2016). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Borowsky Junge, M. (2010). The modern history of art therapy in the United States. Springfield, IL: Charles C. Thomas.