Blogue réalisé par vos art-thérapeutes

L'approche gestaltiste en art-thérapie et sa loi

L'approche gestaltiste en art-thérapie et sa loi "figure/fond"

Janie Rhyne, art-thérapeute gestaltiste, soutient que les figures centrales que nous développons émergent d'un arrière-plan diffus et nous donnent des indices sur ce qui est central dans nos vies. Dans le présent blogue, je vais tenter d'expliquer sa pensée.

Rhyne (1984 : citée dans Gérin, s.d.) explique la signification qu'elle donne au concept d'expérience gestaltiste de l'art et pour exposer son propos, elle définit chacun des termes individuellement. La compréhension de sa pensée traitée ici renvoie donc à la définition du mot gestalt.

Comme prémices, il convient d'expliquer que la Gestalt s'intéresse particulièrement à savoir comment nous entrons en relation avec nous-mêmes, avec les autres et avec notre environnement. Elle met l'accent sur le processus d'adaptation entre un individu et son environnement, individu dont l'entièreté sous-entend nécessairement sa psyché et ses influences inconscientes. En thérapie gestaltiste, la clé de la croissance thérapeutique est de montrer au client comment exprimer les émotions qu'il a gardées contenues en lui, afin que sa prise de conscience suscite un mouvement adaptatif vers une perception mieux ajustée à son environnement. La théorie gestaltiste conçoit que l'individu qui perçoit est un participant actif dans ses perceptions, perceptions qui régissent ses relations. Gonzague Masquelier (s.d.), directeur de l'école Parisienne de Gestalt, a écrit au sujet de la Gestalt :

[…] elle s'intéresse au « processus », à l'ajustement permanent entre un organisme et son environnement. Cet ajustement est par définition en perpétuel changement. […] La Gestalt-thérapie met l'accent sur la prise de conscience du processus en cours, dans l'ici-et-maintenant de chaque situation. […] On classe à juste titre la Gestalt dans le courant des psychothérapies humanistes. Son originalité n'est pas dans ses techniques, mais plutôt dans son objectif : élargir le champ de nos possibles, augmenter notre capacité d'adaptation à des êtres ou des environnements différents, restaurer notre liberté de choix. Elle place le client comme acteur du changement, et la relation comme moteur de ce changement. (p. 1-2).

Dans le texte de Rhyne (1984 : citée dans Gérin, s.d.), on comprend que les tenants de la théorie gestaltiste ont remarqué que l'individu a tendance à percevoir une sélection de formes, de lignes et de couleurs similaires comme un groupe visuel formant une figure qui se démarque d'un arrière-plan moins évident, et ce, même si la figure est incomplète. En fait, le cerveau humain remplit les vides pour que l'individu capte la figure dans sa globalité. Les théoriciens de la Gestalt en tirent donc la conclusion que la perception d'un tout est plus complète que la somme de ses parties, puisqu'individuellement, les parties s'étant démarquées par une perception sélective, ne trouvent pas le sens de l'ensemble de la figure.

Ceci dit, dans ses expériences en tant qu'artiste et auprès des gens qu'elle invitait à créer, Rhyne (1984 : citée dans Gérin, s.d.) constate que l'individu illustre naturellement des arrière-plans et des figures complètes, il a donc tendance à représenter la complétude des parties « invisibles ». L'art rend explicite l'implicite. En utilisant l'art comme passage entre l'inconscient et le conscient, les productions artistiques deviennent des messages, « rendus visibles », envoyés à leur propre créateur. Comme l'expéditeur et le receveur sont la même personne, les chances de percevoir le message complet sont plus que grandes. L'individu prend conscience du message existentiel de sa production (c'est ici que la pensée de Rhyne prend tout son sens) et parallèlement, à travers son expérience artistique qu'il généralise à sa vie quotidienne, il réalise à quel point la vision de l'être humain est biaisée par une perception sélective de sa réalité. Le créateur prend conscience de comment il perçoit généralement son quotidien et de comment ces perceptions sont affectées par sa personnalité, par son entièreté qui inclut sa psyché et ses influences inconscientes. Bref, la façon dont l'être humain sélectionne ce qu'il voit est directement liée à comment il pense et ressent. La corrélation devient frappante lorsqu'il utilise le matériel artistique pour exprimer ses perceptions. Rhyne (1984 : citée dans Gérin, s.d.) écrit :

La façon dont nous utilisons les lignes, les formes et les couleurs en relation les unes avec les autres et avec l'espace, nous indique comment nous organisons nos vies. La structure ou le manque de structure dans nos formes est en relation avec nos comportements dans des situations de vie. C'est en réalisant comment nous utilisons notre perception visuelle dans la création de formes d'art que nous pouvons prendre conscience de comment nous pouvons utiliser nos perceptions pour créer une vie plus intégrée. (p.5.)

En terminant, je tiens à vous féliciter d'avoir poursuivi votre lecture jusqu'ici, je suis consciente que ce blogue n'est pas une lecture facile. L'art-thérapie se vit plus aisément qu'elle ne s'explique. Venez expérimenter un processus art-thérapeutique et vous saisirez beaucoup mieux en quoi la loi "figure/fond" de l'approche gestaltiste contribue à ce que vos productions artistiques vous livrent leurs messages.

Sara Giard Pagé, A.T.P.Q.

Références :

Masquelier, G. (s.d.) Quʼest-ce que la Gestalt-thérapie ? [Document PDF]. Consulté le 14 avril 2016 à http://iqgt.ca/wordpress/wp-content/uploads/2014/07/Intro-EstCeQueLaGestalt-therapie_GMasquelier.pdf

Rhyne, J. (1984). Gestalt art experience. Monterey: Books/Cole. Traduction libre de Marie Gérin (s.d.) Quelle est l'expérience gestaltiste de l'art? (Chap.1, p.3-9). Texte inédit. Recueil de textes ATH 2001-Initiation à la pratique de l'art-thérapie (session automne 2013). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Retour en haut de page